LA PAIX, UNE DENREE RARE A CONQUERIR
Message
de la Commission Justice et Paix de la Famille Franciscaine des Grands Lacs
Fr. Oscar OMARI NGABO, OFM/BUKAVU-RDCONGO
Ressurexit !
Alléluia !
L’humanité (re)cherche
sans trêve, au travers et/ ou à tâtons ce qui, non pas seulement est nécessaire pour
sa survie, mais plus que nécessaire, est essentielle: la PAIX.
Ressuscités avec le
Christ, nous devenons des créatures nouvelles dans une humanité renouvelée!
Notre regard de l’autre, nos relations deviennent autres qu’auparavant, illuminées
par le flambeau du Ressuscité. Tout change. Et désormais, devenus capax Dei, nous devenons aussi capax alter. Le regard sur l’autre sera
ainsi comme celui que Jésus posa sur la «femme adultère» (Jn8,1-11), sur «Zachée
le publicain»(Lc19,1-10), etc. Un regard qui humanise et non qui raye!
Alors qui peut nous
dire pourquoi Jésus a souffert, et est mort, et enfin ressuscité?
Voulant chercher à
combler son désir d’ «Etre-plus», l’homme moderne semble se fourvoyer dans
les procédures. Il s’est créé plusieurs mécanismes ‘’idolâtriques’’ (raps,
vols, mensonges, guerres, etc.), fondés sur la violence contre lui-même, le
prochain et la nature qui l’héberge.
Cependant, bien que
le désir de l’Excellence spirituelle demeure peut-être, pour beaucoup,
chimérique, la soif de l’apatheia, du
nirvana, de la paix intérieure ne cesse de grandir et de bouleverser le cœur
humain. Mais comment l’homme pourrait-il arriver à réaliser sa vocation d’
«Etre-pour-la-paix» ? Telle est notre préoccupation en vous proposant
cette méditation pascale centrée sur le thème «La Paix, une denrée rare à conquérir».
Nous sommes
tributaires d’une société «ivre» de la modernité, titubante et en risque de dégradation
et de déracinement des valeurs humaines fondamentales, d’une part ; mais
ouverte, espérant et espérée, soucieuse d’un avenir prometteur et promettant,
d’autre part.
I.LA PAIX, ŒUVRE DU RESSUSCITE
Partant
des tourments qui sévissent l’humanité et les multiples causes qui y sont
associées, il se pose davantage la question d’espérance. Pour certains, entre
autres les sociétés en violences armée, socio-économique ou structurelle –en Syrie,
en Irak, à l’Est de la R.D.Congo, dans les deux Soudans, etc.-, évoquer la paix
ne serait qu’une hypothèse ; pour d’autres encore, la question de la paix
dans le monde est d’ordre de l’irréel ou de la relativité. Pour d’autres enfin,
elle est simplement impossible, sinon utopique.
Eues
égards à toutes ces tendances, le ‘’vrai chrétien’’ dirait en toute sérénité et
facilité: la paix, c’est l’œuvre du Christ et de ceux et celles qui, en toute
franchise d’esprit, se mettent à son école. Bref, la vraie Paix sociale serait
l’apanage des ‘’Ressuscités’’ avec le Christ. Elle proviendrait donc des
disciples du Christ. Mais alors, quelle serait la nature de cette paix ?
En quoi consiste-t-elle ?
Ces interrogations nous renvoient à trois
questions fondamentales de la vie chrétienne, à savoir :
1. Pourquoi Jésus, Dieu fait Homme, s’est-il
incarné ?
2. Pourquoi Jésus a-t-il souffert ? et est
mort ?
3. Pourquoi Jésus est-il ressuscité ?
I.1.La
nature de la paix du Christ
I.1.1.
La paix du Christ, une paix incarnée
Cf. Jn1.1-18 ; Ph2, 6-11, etc.
Le prologue de saint Jean, auquel on peut joindre
l’hymne de saint Paul aux Philippiens sur l’abaissement du Fils de Dieu (…),
nous révèle la double nature de Jésus, non confondues : vrai Dieu et vrai
Homme. Et le Verbe, le logos, la
parole s’est fait chair ; et il a habité parmi… (cf. Jn1, 14). Jésus est
donc le Verbe auprès de Dieu, il est Créateur, il est Vie et Lumière (Jn1, 1-5)[1].
En tout, Il est amour (1Jn4, 16).
Pourquoi alors Jésus s’est-il incarné ?
C’est parce que Dieu est essentiellement Amour et pleinement Miséricordieux [cf.
les paraboles de la brebis perdue (Lc15, 3-7), de l’enfant prodigue (Lc15,
8-10)]. Nous aussi, se prétendant à la sequella
Christi, nous sommes conviés à nous incarnés dans les fragilités de nos
sociétés, matérialiser nos beaux discours sur la paix, la fraternité, le
patriotisme,… pour élever l’autre au standard de son humanité selon le dessein
du Créateur en chacun de ses enfants : Etre parfait comme, Lui, notre Père
est parfait (Lv19, 2 ; Mt5, 48) ; c’est-à-dire, vivre la félicité,
les béatitudes, être heureux (Mt5,3-11). Voilà la vocation de l’homme :
Etre heureux comme son Créateur, le Seigneur, l’est essentiellement. Dieu n’a
pas créé l’homme pour être aigri ou pour qu’il rende ses semblables aigris.
Cela est inhumain, et inadmissible !
Enfin, être libre
comme Dieu l’est. Car servir Dieu en nos frères et sœurs nous rend libres en
nous humanisant les uns les autres. «Servir Dieu rend l’homme libre comme Lui»[2].
I.1.2.
La paix, œuvre du Christ souffrant
Pourquoi Jésus a-il-souffert ? La
réponse nous la trouvons dans la péricope de saint Jean, chapitre 10, versets
31-42.
Jésus
a souffert parce qu’il s’est démarqué de l’attitude hypocrite des pharisiens. Ils
disent mais ne font pas. Ils chargent les autres des fardeaux qu’ils ne sont
pas à mesure de porter (Mt23,1-12). Par contre, Jésus a été authentique en
tout, paroles et actes furent conciliés. Pour cela, il a été incompris et fut
condamné.
Aujourd’hui
encore, dans les familles, les groupes, les communautés ; bref, dans la
société, il y a beaucoup d’hommes et de femmes qui sont persécutés à cause de
leur vie authentique, leur franchise existentielle qui dérange. Ces justes
devenus des menaces permanentes des égoïsmes sociaux, sont persécutés (Jr20,
10-13). Eh bien, certes, la vérité et le mensonge, comme la Lumière et la
vérité, ne peuvent jamais cohabiter.
«Devant des adversaires prêts à le perdre, Jésus
affirme hautement sa filiation divine : il est Celui que le Père a
sanctifié et envoyé dans le monde ; le Père est en lui et lui dans le Père»[3]
(cf. Jn10, 31-42).
I.1.3.
La paix, œuvre du Christ mort
Pourquoi Jésus est mort ?
Jésus est mort pour «réunir dans l’unité les enfants
de Dieu qui sont dispersés» (Jn11, 52) par la haine, le clientélisme,
l’égoïsme, le favoritisme, le protectionnisme, le racisme, le régionalisme, les
violences, l’indifférence, etc.
Rassembler,
telle est la visée de l’Evangile de Jésus et la mission de tout disciple. Sans
cela, nous ne serons jamais disciples selon le cœur du Maitre ; par
conséquent, nous travaillerons pour nos avidités (domination, avoir et plaisir)
et demeurerons soumis au pouvoir de celles-ci. Au fait, seule «la vérité vous
rendra libre» (Jn8, 32), en vérité.
Jésus
est mort pour faire de nous des enfants d’une même famille humaine, un même
Père, capables de se regarder en face et de se dire: Tu es mon frère, tu es ma
sœur! Une famille de réconciliation et des réconciliés où les gens sont
capables de partager les joies et les peines, et de regarder tous ensemble vers
un même horizon, l’horizon de la fraternité.
En
effet, certains principes comme «diviser pour régner», «la fin justifie les
moyens», et autres similaires, sont-ils religieux ? Avec Jésus, osons la
Pâques…
I.1.4.
Paix du Christ, paix de la résurrection
Ressuscité
d’entre les morts, le premier souhait que Jésus-Christ a adressé à ses
disciples, c’est la «paix»: «La paix soit avec vous (Lc24, 36 ; Jn20,
19.21.26). Cette salutation pascale du Ressuscité aux siens s’étend à toutes
les générations qui ont confessé, confessent et confesseront Jésus
comme ‘’Christ et Seigneur’’ (Ac2, 36), le ‘’Pantocrator’’. Ce salut
sous-tend également toute la liturgie de l’Eglise. Jésus est celui qui soulage
et réconcilie les cœurs humains ulcérés et oppressés[4].
C’est lui, en effet, qui est notre paix : ce qui était divisé, il l’a fait
une unité (cf. Ep2, 14). Identifié à la ‘Paix’, Jésus devient lui-même la
‘Paix’ : «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix» (Jn14, 27). D’une
manière précise, c’est dans sa chair, au moyen de la croix que la paix du
Christ est une expression de «la réconciliation fondamentale et définitive
entre Dieu et l’humanité. De là suit la conséquence qu’à la division
apparemment irrémédiable de l’humanité, jusqu’alors dévorée par la haine, va se
substituer une unité nouvelle, tout entière fondée en l’événement
rédempteur : ‘un seul homme nouveau’, ‘un seul corps’»[5].
II.LA
PAIX, CETTE DENREE RARE A CONQUERIR
Bien souvent,
l’usage populaire d’un concept -à force de devenir une chanson- explique son
absence, sinon sa rareté ; en effet, il y a le risque à le dénaturer.
C’est le cas de la paix aujourd’hui.
II.1.Le
chrétien, témoin de la vraie paix
Dans
son discours sur le Ressuscité, Pierre déclare: « Et nous autres sommes
témoins de toute son œuvre sur les territoires des Juifs comme à Jérusalem (…).
Enfin, il nous a prescrit de proclamer au peuple et de porter ce
témoignage : c’est lui que Dieu a désigné comme juge des vivants et des
morts » (Ac10, 39.42).
Non
pas, d’abord, par leurs tinuques, moins encore leurs langages sophistiqués que
les Apôtres ont été reconnus comme disciples
du Christ, mais par contre, c’est par leur témoignage de vie relationnelle
exemplaire et leur engagement apostolique le plus dévoué (cf. Ac11, 19-28).
Seulement,
celui/celle qui se reconnait en Jésus vrai témoin, et convaincu de son
témoignage, qui est capable de le vivre et le manifester jusqu’au prix de sa
vie : le martyr. Oui, « ils étaient tout joyeux d’avoir souffert pour
l’Evangile » (Ac5,41). Autrement dit, le chrétien est cette bougie qui se
consume pour la vie, la joie de ceux et celles qui sont otages de la passion sans
Pâques[6],
au nom de Jésus qui est «le chemin, la vérité et la vie» (Jn14, 6).
II.2.
La paix, un don et une mission
Le
Ressuscité confia cette mission à ses disciples : «Allez donc: de toutes
les nations faites des disciples, […] leur apprenant à garder tout ce que je
vous ai prescrit. » (Mt28, 19-20).
A
l’égard de cette recommandation, notre première mission est de «faire des disciples»
de l’Evangile de fraternité, de réconciliation et de non-violence active, et
apprendre à ces nouveaux convertis à garder les commandements du Seigneur dont
le pivot est la Caritas, la charité :
Aimer l’homme, le regarder de la même façon que Dieu l’aime et le regarde. La
réussite et la fidélité à cette mission ne sont possibles que si nous-mêmes
avons fait et faisons, à pas sûr, la Pâques de notre vie.
Certes,
la paix du Christ est d’ors et déjà une grâce et une mission[7].
Elle doit d’abord être accueillie pour enfin, être partagée. De plus, et d’une
manière synthétique, la paix que donne le Ressuscité est une sécurité
intérieure nourrie de joie, de confiance et d’espérance, même en cas des
persécutions. Elle est aussi gage de la fraternité (cf. Ep4, 3), qui suppose
une vie pacifique dans une réciprocité de confiance. La paix est le ligament de
la vie en société non, parce que les conflits sont inexistants, mais parce
qu’ils sont assumés dans un dialogue franc et sincère, dans l’écoute des uns
des autres, sans exclusion aucune.
Ainsi
comprise, la mission que Jésus-Christ nous a légué, celle de propager la paix à
toute l’humanité, avant tout par l’exemple de notre vie traduite en Evangile,
découle de son amour. «Dieu est amour» (1Jn4, 16).
CONCLUSION
Le pape François, parlant de la joie qu’apporte
l’Evangile, nous exhorte à ne pas fuir la résurrection de Jésus, ne jamais nous
donner pour vaincus, advienne que pourra. Car rien ne peut davantage que sa vie
qui nous pousse en avant. L’amour infini et inébranlable de Dieu nous permet de
relever la tête et de recommencer, avec une tendresse qui ne nous déçoit jamais
et qui peut toujours nous rendre la joie de vivre[8].
Ainsi pour clore cette méditation, nous voudrions
simplement qu’ensemble, et individuellement, nous fassions nôtre cette
prière :
«Seigneur,
fais de moi un instrument de ta paix.
Là où est la haine, que je mette l’amour.
Là où est l’offense, que je mette le pardon.
Là où est la discorde, que je mette l’union.
Là où est l’erreur, que je mette la vérité.
Là où est le doute, que je mette la foi.
Là où est le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière.
Là où la tristesse, que je mette la joie.
O Seigneur, que je ne cherche pas tant
à être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer.
Car c’est en se donnant que l’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on se retrouve soi-même,
c’est en pardonnant que l’on obtient le pardon,
c’est en mourant que l’on ressuscite à la vie.» (saint
François D’Assise)
Là où il y a la paix, il y a la foi. Sans la Paix, non plus, pas de
Foi ! Et sans Foi, pas de Dieu ! Par conséquent, pas de Vie !
Joyeuse Pâques ! Alléluia.
Fr. Oscar OMARI NGABO,OFM.
[1] Annie JAUBERT, Lecture de l’Evangile selon saint Jean,
in «Cahiers Evangile», n°17, Cerf-S.B.E.V., p.19.
[2]
Liturgies des Heures, Hymne «Pour que l’homme soit un fils à son image»-G297-1.
[3] PIERRE JOUNEL, Missel de la semaine (Texte liturgique officiel), (5é Semaine
du Carême-Vendredi), Mame-Desclée, Paris, 1999, p.298.
[4] ASSEMBLEE SPECIALE DU
SYNODE DES EVEQUES POUR L’AFRIQUE (IIème partie), L’Eglise au service de la réconciliation, de la justice et de la paix,
proposition 21, in Documentation
catholique, n°2434(2009), colonne 1042.
[5] R. COSTE, «Paix
messianique et paix humaine», in Nouvelle
Revue Théologique, n°6(1973), p.631.
[6]
Pape François, Exhortation apostolique Evangelii
gaudium, n°6, 24 novembre 2013.
[7]
J. VERMEYLEN, «La paix du Ressuscité», in Spiritus,
n°184(2006), p.341-342.
[8]
Pape François, Exhortation apostolique Evangelii
Gaudium, n°3.
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