mercredi 4 mars 2015

VIVRE LE CAREME DANS LA REGION DES GRANDS LACS. Quel sens aujourd'hui! Par OMARI NGABO Oscar,OFM



VIVRE LE CARÊME DANS LA RÉGION DES GRANDS LACS.

Quel sens aujourd’hui ?

"Nous ne naissons pas frère-humain, nous le devenons"


OMARI NGABO Oscar, Franciscain OFM
Bukavu, 02 Mars 2015

Initiateur et Président de "AEFRARENVIA", asbl
Formateur-Elève en Dynamiques de Réconciliation
Maitre des Postulants Franciscains OFM à Bukavu




« Crie à pleine gorge, ne te retiens pas, comme le cor, élève la voix, annonce à mon peuple ses crimes, à la maison de Jacob ses péchés. C’est moi qu’ils recherchent jour après jour, ils désirent connaitre mes voies, comme une nation qui a pratiqué la justice, qui n’a pas négligé le droit de son Dieu. Ils s’informent près de moi des lois justes, ils désirent être proches de Dieu. »[1]

Aujourd’hui,  toute l’Afrique, et la Région des Grands Lacs en particulier, a encore besoin des « Moise », de gens de calibre à la hauteur de ces Pères des indépendances, de ces martyrs de la Démocratie, de Nelson Mandela, etc., qui soient en mesure d’accompagner les africains pendant leur traversée baptismale (purificatrice) dans le désert de la dictature, des insécurités meurtrières, des violences ignominieuses, des misères humaines. Elle a également besoin des Josué qui soient prêts à prendre la relève quand les « Moise » (Nelson Mandela, Desmond Tutu, etc.) n’y seront plus. Ceci demande de la part de ces volontaires l’engagement, la détermination, la prouesse et la persévérance, le sacrifice et l’espérance ; faute de quoi ils ne pourront jamais arriver à assumer leur mission : la conquête de la Terre promise, la Pâques, une renaissance humaine. Et la Pâques sociétaire, c’est la démocratie vécue où chaque citoyen peut vivre librement et exprimer ses opinions, dans le respect strict  des lois, sans être inquiété ni déshumanisé.
Depuis la foi embryonnaire en Dieu de Jésus-Christ, du premier Testament au second Testament, la géopolitique a toujours eu des incidences sur la praxis fidei. Les questions sociales n’ont jamais été passées inaperçues pour quiconque veut vivre authentiquement sa foi et répondre véritablement à sa mission prophétique. De Moise, Josué, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, Jean-Baptiste jusque pleinement en Jésus, la mission prophétique se résume en action libératrice. De fait, sans faire du formalisme et de la fantaisie, sous prétexte de non-ingérence ou du refus de s’immiscer dans les affaires « qui ne vous concernent pas » -ou parce qu’on cède aux intimidations- qui sont des attitudes de lâcheté, de résignation ou de démission mais surtout de violence et d’irresponsabilité, le Seigneur, par l’entremise du prophète Isaïe met en garde quiconque veut célébrer fidèlement et chrétiennement ce kairos quadragésimal :

 « Pourquoi avons-nous jeuné sans que tu le voies, nous sommes-nous mortifiés sans que tu le saches ? » C’est qu’au jour où vous jeunez, vous traitez des affaires, et  vous opprimez tous vos ouvriers. C’est que vous jeunez pour vous livrer aux querelles et aux disputes, pour frapper du poing méchamment. Vous ne jeûnerez  pas comme aujourd’hui si voulez faire entendre votre voix là-haut ! Est-ce là le jeûne qui me plaît, le jour où l’homme se mortifie ? Courber la tête comme un jonc, se faire une couche de sac et de cendre, est-ce là ce que tu appelles un jeûne, un jour agréable à Yahvé ? »[2]

Afin de mener une cohérence de vie libératrice[3], humaine et religieuse, et de passer un désert rassuré et rassurant avec Adonaï, Dieu, par la même bouche du prophète Isaïe donne ces préalables :
« N’est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère : défaire les chaines injustes, délier les liens du joug ; renvoyer libres les opprimés, et briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair ? »[4]

Enfin, voici les résultats indéniables de la cohérence de vie et du « me voici » missionnaire :
 « Alors ta lumière éclatera comme l’aurore, ta blessure se guérira rapidement, ta justice marchera devant toi et la gloire de Yahvé te suivra. Alors tu crieras et Yahvé répondra, tu appelleras, il dira : Me voici ! Si tu bannis de chez toi le joug, le geste menaçant et les paroles méchantes, si tu te prives pour l’affamé et si tu rassasies l’opprimé, ta lumière se lèvera dans les ténèbres, et l’obscurité sera pour toi comme le milieu du jour. Yahvé sans cesse te conduira, il te rassasiera dans les lieux arides, il donnera la vigueur à tes os, et tu seras comme un jardin arrosé, comme une source jaillissante dont les eaux ne tarissent pas. On reconstruira, chez toi, les ruines antiques, tu relèveras les fondations des générations passées, on t’appellera Réparateur de brèches, Restaurateur des chemins, pour qu’on puisse habiter.»[5]

Beaucoup de jeûnes, de prières et de sacrifices ne veulent la peine s’ils ne conduisent pas à rencontrer et à libérer l’Autre. C’est d’ailleurs l’autre qui devient le miroir de la qualité de notre foi en qui Jésus s’identifie : «En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait »[6]. Dieu est fatigué par nos holocaustes[7] des béliers gras, par nos tam-tams, nos cris,… Maintenant, il nous attend sur un autre rive : travailler, nous engager pour nous libérer en libérant les déshumanisés !

La Région des Grands Lacs est en déportation, en exil des violences (terrorisme, restriction de la liberté d’expression, insécurité grandissante, peur de l’avenir, etc.), où il est quasiment impossible de rendre à Dieu un culte en toute liberté d’esprit en tant que filles et fils, créés et rachetés par son amour. Certes, malgré ces « tsunami » régionaux, les africains doivent s’assurer de ces paroles de saint Paul : « Qui pourra nous séparera de l’amour du Christ ?la tribulation, l’angoisse, la persécution, la faim, la nudité, les périls, le glaive ? […]Mais en tout cela nous sommes vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur.»[8]

                Les lâches et les peureux tuent. Mais les vaillants libèrent et sauvent !


[1] Isaïe 58, 1-2.
[2] Isaïe 58, 3-5.
[3] Jean 8,32 : « La vérité vous libérera ».
[4] Isaïe 58, 6-7.
[5] Isaïe 58, 8-12.
[6] Matthieu 25, 40.
[7] Psaume 50 (49) ; Jérémie6, 19-21 ; Isaie1, 10ss. 5,27ss
[8] Romains 8,-39.